Regards croisés sur l’alimentation saine et durable

Les experts du conseil scientifique de l’institut soulignent tous les enjeux inhérents à la transition alimentaire grâce à leurs expertises complémentaires

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Les recommandations internationales de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) traitent toutes les dimensions de l’alimentation, qu’il s’agisse de la santé-bien-être physique et mental, de la couverture des besoins nutritionnels, de l’éducation et l’incitation vers des comportements de consommation plus favorables, de l’ancrage territorial, de l’économie circulaire, de la protection de l’environnement et de la biodiversité.

Afin de mieux orienter les premières études et actions de l’institut, les membres du conseil scientifique se sont penchés sur la définition et les critères des alimentations saines et durables basés sur leur expertises et expériences du terrain.

Une alimentation saine et durable doit répondre à plusieurs critères et objectifs :

Assurer des apports nutritionnels adéquats en qualité et quantité pour la couverture des besoins de toutes les populations, notamment en équilibrant les différentes catégories d’aliments d’origine animale et végétale

•Etre accessible, réaliste et acceptable en s’intégrant aux cultures et pratiques alimentaires locales qui sont évolutives dans le temps

•Avoir peu voire pas d’impact négatif sur l’environnement en optimisant l’usage et la préservation des ressources naturelles dans le respect de l’animal, de la biodiversité et des écosystèmes, afin de maintenir la capacité des générations future à produire

•Assurer un partage équitable de la valeur entre les différents acteurs de la chaîne alimentaire

Le concept même de l’Alimentation Saine et Durable évolue dans le temps souligne le Dr Pascale Hébel, Directrice du Pôle Consommation et Prospective du Credoc : L’alimentation saine et durable est ce que promeut la Commission Européenne depuis plus de 30 ans. Les consommateurs français ont mis du temps à s’approprier ce concept, qui s’est d’abord concrétisé au travers des aliments issus de l’agriculture biologique. Cette quête de l’alimentation idéale et durable s’est propagée dans les classes sociales les plus éduquées et s’est démocratisée ensuite à travers l’achat de produits SANS (ex. liste d’ingrédients courte, peu transformés, issus d’agriculture raisonnée, ,..). La définition de l’alimentation saine et durable évolue au cours du temps et inclut aujourd’hui les dimensions de biodiversité et de bien-être animal. Il s’agit finalement d’une norme sociale et politique qui remplace la notion d’aliment de qualité mis en avant dans les années 80.

Selon le Pr Philippe Legrand, Directeur Laboratoire de Biochimie & Nutrition humaine, Agrocampus-Ouest, une alimentation saine doit être disponible et accessible, nutritionnellement adéquate, sûre et bonne pour la santé, le bien-être et la convivialité. Elle doit également optimiser l’usage des ressources humaines, garantir le respect et la transmission des métiers, des savoirs et des cultures, ainsi que préserver les ressources naturelles, dans le respect de la biodiversité et des écosystèmes. Elle est économiquement loyale et réaliste.

Pour le Dr Jean-Louis PEYRAUD, Directeur Scientifique Adjoint Agriculture, INRAE, une alimentation saine et durable doit être équilibrée, disponible et doit rester à un prix abordable. Elle est socialement acceptable, c’est-à-dire qu’elle ne bouleverse pas les habitudes alimentaires et préserve la culture culinaire des différents pays. Elle a peu, voire plus d’effets négatifs sur l’environnement et elle préserve les ressources naturelles, respecte l’animal et assure un revenu correct pour les producteurs par un partage équitable de la valeur ajoutée entre les différents acteurs.

L’alimentation saine et durable doit être en adéquation avec la diversité des attentes sociales et culturelles à travers le monde, indique le Dr Yvette Soustre, Directrice Nutrition du CNIEL. Il s’agit d’un ensemble de pratiques alimentaires qui visent à nourrir les êtres humains en qualité et quantité suffisantes, aujourd’hui et demain, dans le respect de l’environnement. Elle doit notamment être accessible économiquement et rémunératrice, être en adéquation avec la diversité des attentes sociales et culturelles et maintenir la capacité des générations futures à produire.

Pour le Pr Daniel TOMÉ, Professeur honoraire de nutrition humaine, les régimes alimentaires durables sont définis comme ceux qui répondent à des critères nutritionnels, environnementaux, socio-économiques et culturels. Ils consistent souvent à changer l’équilibre entre les sources alimentaires d’origine animale et végétale. Si pour des raisons environnementales, il est souvent recommandé de réduire la consommation de certains aliments, notamment ceux d’origine animale, le niveau nécessaire de ces changements pour un impact environnemental optimum est complexe à définir et des variations trop importantes peuvent aboutir à des conséquences environnementales négatives. En outre, la diminution de certains aliments uniquement à des fins environnementales peut avoir des conséquences associées non voulues sur le plan nutritionnel et l’acceptabilité des régimes. Ainsi, l’effet potentiel de la diminution ou de l’augmentation de certains aliments sur l’adéquation de l’apport des nutriments et les conséquences sur le statut nutritionnel et le comportement des consommateurs doivent être précisément évaluées. Il est donc important d’évaluer avec précision les effets potentiels de l’augmentation des aliments d’origine végétale (et de la diminution concomitante des aliments d’origine animale) sur l’environnement, l’adéquation nutritionnelle des macronutriments et des micronutriments, et l’acceptabilité de ces régimes.

Alimentation saine et durable est au final un défi multicritère nécessitant une synergie entre les compétences diverses. C’est avec ces regards croisés que le conseil scientifique de l’institut va mener une étude pour éclairer les grands axes de la transition alimentaire et voir comment au mieux converger les différents critères des alimentations saines et durables pour les changements les plus optimaux.